La Côte d’Ivoire continue d’impressionner sur la scène économique africaine et mondiale. Selon le 15ᵉ rapport sur la situation économique du pays, publié en juin 2025 par la Banque mondiale, l’économie ivoirienne fait preuve d’une résilience remarquable dans un contexte mondial marqué par des incertitudes géopolitiques, des tensions commerciales et des chocs successifs. Avec une croissance réelle de 6 % en 2024, au-dessus des moyennes régionale (3,2 %) et mondiale (2,8 %), le pays confirme son statut de locomotive en Afrique de l’Ouest.
Une économie solide malgré les turbulences
La dynamique ivoirienne repose sur une consommation privée vigoureuse, un secteur des services en pleine expansion et des investissements massifs. L’inflation, longtemps une menace pour le pouvoir d’achat, a reculé à 3,5 % en 2024, proche de la cible de l’UEMOA. Les équilibres macroéconomiques se sont également améliorés : le déficit budgétaire a été ramené à 4 % du PIB contre 5,2 % en 2023, tandis que le déficit du compte courant a fortement reculé, porté par la flambée des prix du cacao (+125 %). La dette publique, elle, reste soutenable à environ 60 % du PIB.
La fiscalité, nouveau moteur de croissance
Mais le cœur du rapport se concentre sur un enjeu majeur : la mobilisation des recettes fiscales. En trois ans, la Côte d’Ivoire a gagné 2 points de PIB en recettes fiscales, atteignant près de 14 %. Un progrès salué par la Banque mondiale, mais encore insuffisant face à l’objectif de 20 % fixé par l’UEMOA et aux standards de pays comparables comme le Maroc (24 %). Selon le rapport, franchir durablement le seuil des 15 % de recettes fiscales rapportées au PIB pourrait générer 1 à 2 points supplémentaires de croissance par an, faisant passer le rythme économique du pays à 7–8 % par an dans la prochaine décennie.
Cet effort fiscal n’est pas seulement une question de chiffres. Il constitue une arme stratégique pour financer des infrastructures modernes, améliorer la qualité de l’éducation et de la santé, renforcer la protection sociale et stimuler l’emploi productif. « Une mobilisation fiscale efficace peut transformer la croissance ivoirienne en une véritable prospérité inclusive », insiste le rapport.
Des réformes ambitieuses mais exigeantes
La Côte d’Ivoire a déjà initié une Stratégie de Mobilisation des Recettes à Moyen Terme (SRMT) pour élargir l’assiette fiscale, réduire les exonérations, renforcer la fiscalité directe (notamment foncière) et moderniser l’administration des impôts. Ces réformes doivent être accompagnées d’une gestion plus efficace des dépenses publiques afin de renforcer la confiance des citoyens et garantir une adhésion durable.
Le rapport souligne que l’amélioration de la gouvernance, la transparence dans l’octroi des exonérations fiscales et une meilleure équité dans la répartition de la charge fiscale sont essentielles pour renforcer le civisme fiscal et assurer la réussite des réformes.
Côte d’Ivoire 2.0 : l’ambition d’un nouveau modèle économique
À l’horizon du Plan National de Développement 2026–2030, le pays ambitionne de bâtir une « Côte d’Ivoire 2.0 », marquée par une industrialisation accélérée, une hausse significative de la productivité et une réduction durable de la pauvreté. Déjà, le taux de pauvreté est passé de 38,5 % en 2020 à 36,5 % en 2024, mais l’enjeu reste d’accélérer la baisse et de mieux inclure les zones rurales, où la pauvreté frappe encore plus de 54 % des habitants, contre 22 % en milieu urbain.
Un avenir à portée de main
Pour la Banque mondiale, la Côte d’Ivoire a toutes les cartes en main pour franchir un cap historique : doubler son revenu par habitant, accéder au statut de pays à revenu intermédiaire supérieur et s’imposer comme l’un des pôles économiques les plus dynamiques du continent. Mais cette réussite passera inévitablement par une mobilisation accrue de ses propres ressources et une gestion rigoureuse des finances publiques.
En un mot, le pays se trouve à la croisée des chemins : maintenir une trajectoire de croissance solide ne suffira pas. L’enjeu est désormais de transformer cette croissance en prospérité partagée et durable, grâce à une fiscalité réformée et inclusive.