Tengréla, nord de la Côte d’Ivoire — C’est une route de feu et de peur. Une route que seuls les plus courageux osent encore emprunter. À bord de leurs camions-citernes, des dizaines de chauffeurs ivoiriens roulent vers le Mali, chargés non seulement de carburant… mais d’angoisse. 💀
« On ne sait jamais si on rentrera vivant », lâche Baba, la voix tremblante, moteur encore chaud. Depuis que le groupe jihadiste JNIM, affilié à Al-Qaïda, a décrété la fin du passage des citernes étrangères vers le Mali, les camions brûlés se comptent par centaines. Leur objectif : asphyxier économiquement Bamako et affaiblir la junte militaire au pouvoir.
Pourtant, chaque jour, des hommes continuent d’affronter la mort. Par nécessité, par patriotisme, ou par foi en leur mission.
« Si on meurt, c’est pour la bonne cause », confie Mamadou Diallo, 55 ans, le regard figé sur l’horizon. D’autres parlent d’un “sacrifice silencieux” : rouler pour éviter que Bamako ne s’éteigne.
Mais derrière l’héroïsme, la misère. Pas de contrat, pas d’assurance, pas de retraite. « Si tu meurs, on t’oublie », déplore Bablen Sacko. Pour à peine 100 000 francs CFA par mois, plus une maigre prime, ils risquent leur vie sur des routes minées où les jihadistes traquent les camions comme des cibles de guerre.
Les convois escortés par l’armée malienne ne sont pas épargnés. Sur les axes Kadiana–Kolondiéba et Loulouni–Sikasso, les embuscades se multiplient. « J’ai vu deux camions exploser. Les chauffeurs sont morts, j’étais juste derrière », raconte Moussa, encore hanté par la scène.
Face à la peur, certains abandonnent. À Boundiali, des dizaines de camions restent garés, faute de volontaires. « Je préfère perdre de l’argent que des vies », tranche un transporteur.
Pour Abdoulaye Maïga, Premier ministre malien, ce carburant livré au prix du sang porte bien son nom : « le carburant de sang ». Une reconnaissance tardive pour ces héros anonymes qui alimentent Bamako au péril de leur vie.
Et pendant que les flammes lèchent encore les routes du Sahel, la question demeure : jusqu’à quand ces hommes devront-ils mourir pour que le Mali reste debout ?



